Où se trouve le moteur des réformes de l’Église ?
La question a été posée par Gilles Guéniot dans le dernier Bloc-Notes. Plusieurs personnes ont réagi à la réponse avancée par notre rédacteur en chef et je les en remercie, comme je remercie également Gilles d’avoir ouvert un débat dans un domaine où personne n’est vraiment au clair.
Georges Bernanos comparait un jour la hiérarchie de l’Église aux employés d’une société de chemin de fer chargée de nous conduire jusqu’à la gare terminus à l’entrée du ciel. Mais pour lui, le moteur de la vie de l’Église et de notre transfert à la station du ciel, ce n’était ni les chefs de gare ni les employés de la société quel que soit leur grade, ni le pape ni les évêques, ce sont les saints ! Et si le moteur des réformes de l’Église était justement là, dans la sainteté.
Lors d’une rencontre avec le pape Benoît XVI, l’un des évêques présents demanda au Saint-Père : « que pourrais-je faire pour redonner l’espérance aux prêtres et aux laïcs de mon diocèse ? » Le pape le regarda avec son merveilleux sourire qui reflétait toute son humilité, et lui dit : « L’Église ne vit pas au rythme biologique de la naissance, la croissance, l’âge adulte, la vieillesse et la mort. L’Église vit au rythme de l’Esprit Saint ! Regardez l’histoire : au temps de la réforme beaucoup de catholiques quittaient l’Église catholique pour rester catholiques, pour rester chrétiens. Mais Dieu a envoyé à l’Église tous les saints dont elle avait besoin pour se remettre debout. Regardez l’Église de France, pendant la révolution la république naissante a cherché à couper un maximum possible de têtes d’ecclésiastiques et de chrétiens. Le résultat est qu’il n’y a jamais eu autant de saints en France qu’au XIXème siècle ! L’Église ne vit pas au rythme biologique, mais au rythme de l’Esprit Saint ! »
L’Église vit au rythme de l’Esprit Saint ; il est et il sera toujours le seul véritable moteur des réformes de l’Église. Je reviens à Bernanos et à la comparaison qu’il faisait entre Luther et Dominique dans un petit livre qui devait s’intituler “Dominique”. Pour lui, Luther, comme saint Dominique, a perçu la médiocrité dans laquelle vivait l’Église de son temps et il a voulu la réformer, mais le drame de Luther est qu’il a souffert de cette situation en quittant l’Église alors que saint Dominique a lui aussi souffert d’une situation identique, mais lui a souffert dans l’Église en devenant un saint et il a porté du fruit.
Au moment de la mort de Pie XII, tous les médias prédisaient l’élection d’un pape de transition, ils n’ont pas si bien dit de celui qui, de fait, allait assurer la transition ! A peine élu, Jean XXIII à l’issue d’une réunion ressentit l’air pollué de la pièce, il ouvrit une fenêtre en disant à son secrétaire : « L’Église a vraiment besoin d’un peu d’air frais, elle a vraiment besoin de respirer au rythme de l’Esprit Saint ! » Il décida de convoquer un concile œcuménique. Ce vieillard chargé d’assurer la transition l’assura bel et bien, mais à un tout autre niveau, en étant le moteur de la réforme de l’Église au souffle de l’Esprit Saint. Y aura-t-il un nouveau Concile, nul n’en sait rien, mais il y aura toujours des saints avec pour mission de réformer l’Église.
La petite sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, morte à 24 ans, n’a jamais rien fait sinon de vivre cachée au fond de son Carmel. Et pourtant, elle a apporté un souffle extraordinaire à l’Église tout entière, elle nous a rappelé l’Évangile et la voie de l’enfance spirituelle, seul chemin capable de nous conduire à la plénitude de la vie dans le Christ au sein même de la Trinité sainte. Pendant la Grande guerre, elle était présente partout pour arrêter les balles et toucher les cœurs. Pourtant, elle était morte depuis près de vingt ans, inconnue, à Lisieux.
Regardez le curé d’Ars, Gemma Galgani, le padre Pio, Saint Charbel et tant d’autres ! Ce sont eux les véritables réformateurs de l’Église. Je ne parlerais ni de réformes protestataires ni de réformes digestives. Le bienheureux Charles de Foucauld n’a pas protesté contre la richesse de l’Église de son temps, il est parti vivre dans une baraque de jardinier à Nazareth puis au fond du désert et sa protestation a porté du fruit au-delà de sa mort un premier décembre dans un rezzou.
Les martyrs d’Algérie témoignent par toute leur vie partagée humblement avec nos frères kabyles et arabes au-delà des discours dans le silence de la communion dans le corps du Christ. Il non pas fait de grands discours sur le dialogue interreligieux.
En ce premier janvier n’oublions pas que le véritable moteur de la réforme de l’Église, est l’enfant emmailloté et couché dans une crèche ainsi que sa mère, l’Immaculée, la Mère de Dieu et notre Mère. Aux pieds de l’enfant, à la manière des mages, adorons-le et reconnaissons en lui notre roi, notre Seigneur et notre Sauveur. Bonne année à tous. Nous n’avons pas fini de digérer les chemins de sainteté que Dieu met sous nos yeux !
+Jean-Pierre Cattenoz