Dans sa rencontre avec Nicodème, Jésus affirme : « il te faut naître de nouveau, naître d’eau et d’Esprit ! » (Cf. Jn 3, 1-8) Cette nouvelle naissance est indispensable pour avoir la vie en lui, pour vivre de la vie même de Dieu. Mais au préalable, l’homme se doit d’accueillir Jésus ; en effet à ceux qui l’ont accueilli, à ceux qui croit en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu (Cf. Jn 1, 12). Mais comment mettre en œuvre ce pouvoir, concrètement et réellement ? Comment découvrir la source vive d’eau et d’Esprit qui nous donnera cette vie nouvelle ?
Le disciple bien-aimé nous invite tous à mettre nos pas dans les siens et à rejoindre le calvaire. Là, au pied de la Croix, il nous invite à assister aux derniers moments du Crucifié. Dans un dernier effort, il s’écrie : « J’ai soif ! » Il a soif de notre amour, il meurt pour nous donner de retrouver le chemin de l’amour, le chemin de la Vie. Alors, tout est achevé, et penchant la tête il remit l’esprit, ou plus exactement, il donna l’Esprit !
L’Esprit qui, à l’aube de la création, planait sur le tohu-bohu primitif pour organiser la création et lui donner d’entrer dans la réalisation du projet créateur, le voilà qui est redonné au monde pour organiser la nouvelle création et réaliser l’Église, la fin même du projet créateur ! Déjà les soldats romains arrivent pour accomplir leur mission, et l’un d’eux s’approchant de Jésus et voyant qu’il était déjà mort, d’un coup de lance lui perça le côté et il en sortit de l’eau et du sang ! Du côté du nouvel Adam endormi sur la Croix, jaillit la source des eaux vives, la source de toute miséricorde.
Nous avons à nous laisser plonger dans cette source d’eaux vives et à laisser l’Esprit nous engendrer à la vie même de Dieu. Le Christ vient de mourir pour nous et de mettre fin à toutes les conséquences de la mort et du péché en moi. L’Esprit peut maintenant me donner la vie véritable. Comment va-t-il s’y prendre ? Pendant que le prêtre me plonge dans les eaux du baptême au nom même du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, celui-ci greffe en moi trois petites greffes de vie divine : la première, la foi, dans mon intelligence pour venir la surélever et lui donner de connaître Dieu en vérité ; la seconde dans mes capacités d’aimer pour venir les surélever et me donner d’aimer Dieu et mes frères divinement ; la troisième dans ma mémoire, pour la surélever elle aussi et lui permettre de marcher sur le chemin du bonheur à la rencontre du Seigneur. L’eau est devenue pour moi tout à la fois un tombeau où a été enseveli le vieil homme en moi et un berceau où l’Esprit m’a engendré à la vie même de Dieu, je peux le connaître, l’aimer et aller à sa rencontre. Je suis devenu l’enfant bien-aimé du Père dans l’unique Bien-Aimé, le Fils, le Verbe, Jésus le Ressuscité.
L’Esprit Saint n’a pas pour autant terminé sa mission, il nous accompagne d’instant en instant pour permettre à cette vie nouvelle de se développer, de grandir pour déployer toutes ses virtualités. La croissance de cette vie nouvelle demandera du temps et l’Esprit, si nous n’y mettons pas d’obstacles veillera sur tout. Le moment venu, à travers le sacrement de la confirmation, par l’onction de l’évêque sur mon front avec du Saint-Chrême, geste accompagné de cette parole : « Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu »., Dieu vient me marquer du sceau de l’Esprit Saint. Il met en place en moi ce qui permettra à l’Esprit Saint de venir agir en moi quand et comme il voudra pour me permettre de grandir en sainteté, de trouver pleinement ma place dans le corps du Christ qui est l’Église et de devenir à mon tour missionnaire, en témoignant de toutes les merveilles accomplies par Dieu dans ma vie, en témoignant de Celui qui a fait sa demeure en moi ! Bien souvent l’Esprit Saint agira en moi en venant au secours de toutes mes faiblesses et de toutes mes limites pour me permettre d’aimer de son amour à lui, de croire jusqu’à demeurer en sa présence dans l’amour d’instant en instant, et enfin, de grandir dans l’espérance jusqu’à ne faire plus qu’un dans le Fils avec le Père, au souffle de l’Esprit.
Mais pour grandir, je devrai également me nourrir, me nourrir du Corps du Christ aux deux tables dressées pour nous, la table de la Parole pour que la Parole prenne vie en moi, m’identifie à Lui et la table de son corps « pour devenir ce que je reçois » et me laisser transfigurer en Lui. Cette double nourriture s’offre à moi à chaque eucharistie, de dimanche en dimanche pour permettre à l’Esprit Saint de réaliser la grande œuvre de son Amour divin, nous transfigurer tous en Christ, dans le Fils unique du Père et nous donner de tout recevoir de lui d’instant en instant dans l’amour.
+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon