La situation de notre Église semble dramatique, nos églises se vident, les catéchismes sont en chutes libres, les adolescents désertent nos aumôneries, et nous pourrions continuer la liste… Mais en réalité, nous avons surtout besoin d’ophtalmologues car nous avons tous une étrange maladie des yeux : nous avons une capacité extraordinaire pour voir tout ce qui va mal autour de nous et nous sommes incapables de nous émerveiller de toutes les merveilles que Dieu ne cesse d’accomplir sous nos yeux. Il nous faut absolument changer de regard et pour cela, je vous propose de vous mettre chaque matin une goutte du collyre de l’Apocalypse.
Permettez-moi de vous citer un extrait de la lettre à l’Église de Laodicée : « Je connais ta conduite : tu n’es ni froid ni chaud – que n’es-tu l’un ou l’autre ! – Ainsi puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. » Ces paroles sont dures, mais l’analyse de la situation est très juste : « Tu t’imagines, me voilà riche, je me suis enrichi, je n’ai besoin de rien » Nous en sommes là, nous pensons n’avoir besoin de rien, surtout pas de Dieu ! « Mais, tu ne le vois donc pas : c’est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! » Et Dieu sait si notre monde actuel est froid, sans âme, sans amour, mais Dieu lui-même nous donne un conseil : « Aussi, suis donc mon conseil : achète chez moi de l’or purifié au feu pour t’enrichir ; des habits blancs pour t’en revêtir et cacher la honte de ta nudité ; un collyre enfin pour t’en oindre les yeux et recouvrer la vue. » Le remède est clair : se procurer l’or de la charité, revêtir les vêtements baptismaux c’est-à-dire revêtir le Christ, et enfin se mettre un collyre pour voir avec le regard même de Dieu, pour voir les merveilles de Dieu. En un mot, il s’agit de retrouver le dynamisme du matin de la Pentecôte : accueillir l’Esprit Saint, le laisser agir en nous, chanter les merveilles de Dieu et témoigner de tout ce qui a changé dans ma vie depuis que le Christ l’habite !
Le résultat de ce traitement proposé par l’Apocalypse est fabuleux : « Ceux que j’aime, je les semonce et les corrige. Allons ! Un peu d’ardeur et repens-toi ! Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 14-20). Nous sommes faits pour vivre dans la plénitude d’une vie habitée par Dieu et rayonnante de ses trésors divins, alors plus rien ne sera comme avant.
En réalité, dans l’évangile, Jésus a posé une question et il continue à nous la poser : « Pour toi qui suis-je ? » Mais attention de ne pas répondre en récitant le credo ou par procuration en disant : « on dit que… ». Non, Jésus nous demande à tous et à chacun : « Pour toi, aujourd’hui, qui suis-je ? »
Je voudrais vous donner ma réponse car toute réponse est personnelle ; plus je reçois cette question, plus je découvre qu’elle en contient deux : « Pour toi qui es Dieu ? » et « Pour toi qui est l’homme ? » Plus je regarde le Christ, plus je le découvre, plus il me conduit à une remise en cause de toutes mes idées sur Dieu. Dieu n’est pas l’idole que je m’en fais sans cesse. Plus je regarde le Christ, plus je le découvre, plus il me conduit à une remise en cause de toutes mes idées sur l’homme, car seul le Christ me révèle ce qu’est l’homme et sa vocation dans le projet de Dieu. Quand je regarde les gens qui m’entourent et quand je me regarde, je ne vois que des êtres abîmés, défigurés par le péché, des pantins mais non des hommes ! Plus je contemple le Christ, plus je découvre l’homme dans toute sa beauté, plus je découvre ma propre vocation bien différente de celle que j’avais imaginée. Finalement, je n’ai plus comme chrétien qu’une certitude : « Pour moi, vivre c’est le Christ ! »
Je peux ainsi finir par une conclusion pleine d’espérance pour notre Église et pour chacun de nous : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi, ma vie présente je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Gal 2, 20-21). « Je peux tout en celui qui me rend fort » (Ph 4, 13). Enfin, il n’y a plus qu’à vivre des trois mots d’ordre de saint Paul : « Soyez toujours joyeux, priez sans cesse, en toutes circonstance dites “merci Seigneur”, c’est sa volonté sur vous dans le Christ, n’éteignez pas l’Esprit ! » (1 Th 5, 16-19). Mais attention, ne me dites pas : « Je n’y arriverai pas » car cela est évident, mais n’éteignez pas l’Esprit, c’est lui qui fera tout en vous.
+Jean-Pierre Cattenoz