Si le projet de loi aborde de nombreux aspects, les deux plus inquiétants demeurent, d’abord l’ouverture de la PMA « à toutes », ce qui implique deux transformations radicales : celle de la filiation et celle de la médecine ; ensuite, une grande facilitation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, partant du fait que, toujours selon le projet, l’embryon et les cellules souches embryonnaires ne sont pas de même nature (oubliant de préciser que pour obtenir des cellules souches embryonnaires il faut détruire des embryons).
Bref, soit au nom des désirs d’une minorité, aussi compréhensibles soient-ils, soit au nom du progrès, et parce que la technique le permet, notre société, si la loi est effectivement adoptée, ce qui semble joué d’avance, va subir un bouleversement terrifiant qui va bien au-delà d’un simple « débat sociétal » mais concerne l’homme, son anthropologie, s’attaquant aux plus vulnérables d’entre tous : l’embryon et l’enfant. Car l’homme est fondamentalement corps et esprit. A trop vouloir faire l’ange, il fait la bête, selon le bon mot de Pascal.
Plusieurs évêques de France ont manifesté leur inquiétude, et il y a de quoi. Cette fascination pour la technique, de ce qui peut se faire, rend aveugle nos dirigeants politiques au point de leur faire oublier la raison et le bon sens. Tout homme de bonne volonté reconnaitra que pour naître et s’épanouir l’enfant a besoin d’un père et d’une mère ; tout homme de bonne volonté a à cœur le souci de notre planète et devrait s’étonner que le principe de précaution ne soit pas appliqué à la nature même de l’homme.
Avec la PMA pour toutes, la médecine perd sa dignité, elle est réduite à un simple prestataire de services, dans une société de consommation, de l’argent roi, devenue « culture du déchet ».
La constitution de nouveaux droits fondés sur l’injustice ne peut et ne pourra résoudre la détresse des individus. Injustes, car omettant totalement l’intérêt supérieur de l’enfant, sa dignité, au nom d’un argument idéologique : la non-discrimination. En l’espèce il n’est pas question d’être discriminatoire : un couple homme-femme n’est pas dans la même situation qu’un couple femme-femme face à l’engendrement, comme l’a reconnu le Conseil d’Etat lui-même.
Institutionnaliser de la sorte l’absence du père est loin d’être anodin, remettre à la technique la possibilité de fabriquer des enfants sans famille non plus.
Pour le chrétien et l’évêque que je suis, elle manifeste la volonté plus que jamais ancrée de nier Dieu le Père.
Une telle loi, si elle est adoptée, engendrera plus de violence encore, comme si l’année 2019 n’avait pas déjà été assez violente ; les générations futures nous demanderont des comptes. Puissions-nous être nombreux à manifester ouvertement notre profond désaccord avec elle.
+ Jean-Pierre Cattenoz
Archevêque d’Avignon