Depuis la nuit de Noël, je ne cesse de contempler le petit enfant emmailloté et couché dans une mangeoire. Pourquoi le Fils de Dieu a-t-il voulu venir ainsi au milieu de nous et se présenter comme un petit enfant totalement vulnérable, totalement dépendant et de plus couché dans une mangeoire, pourquoi un tel lieu pour le Fils de Dieu en personne ? Cela est certainement lourd de sens pour nous tous, aujourd’hui encore ! En même temps, il nous dira des années plus tard : “Si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu !” Et il s’agit pour lui d’une certitude absolue.
De son côté, un ange a bien dit aux bergers : « Je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : “Il vous est né aujourd’hui dans la ville de David un Sauveur qui est le Christ Seigneur” », mais il a ajouté aussitôt comme signe de la venue de ce Sauveur et Seigneur : « Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et de fait, les bergers qui se sont immédiatement rendus à Bethléem pour voir ce qu’il en était, ont bien trouvé “Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans une mangeoire”. Pour confirmer tout cela, Jésus lui-même nous a dit : “Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie !”
Mais tout cela intéresse-t-il vraiment nos contemporains ? Non, pas vraiment, et encore je n’ose pas écrire que la plupart des gens s’en moquent allègrement. Leur souci, dès que le confinement fut levé, a été d’envahir magasins et hypermarchés pour acheter et consommer, se rattraper dans une frénésie sans retenue. Le consumérisme était redevenu roi ! Et la pandémie oubliée le temps du réveillon, de la dinde et de la bûche. Pour le nouvel an, heureusement, le couvre-feu a été rétabli, mais pourrons-nous échapper à un troisième confinement ?
Personnellement, dès le soir de Noël, je suis partie chez les Petites Sœurs de l’Agneau près de Fanjeaux, et là, dans la solitude d’un ermitage au fond des bois, je continue à contempler le nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ! Comme la sainte Vierge, je garde dans mon cœur tous ces événements, toutes ces paroles, et je les médite dans le silence.
Loin du vacarme de notre monde, la nuit s’illumine et la lumière devient pour moi évidente : le Fils bien-aimé du Père s’est présenté à nous comme un petit enfant, pour nous dire et redire : votre vocation est infiniment plus grande que tout ce que vous pourriez imaginer ou rêver, votre vocation est de devenir en moi les enfants bien-aimés du Père. De toute éternité, nous avons fait le merveilleux projet de donner la vie à des êtres qui pourraient partager notre propre vie divine. L’amour n’a qu’un désir, celui de se répandre et de se communiquer ! La vie ne s’achève pas dans la mort, la vie ici-bas n’est qu’un apprentissage, elle nous est donnée comme un cadeau merveilleux pour nous ouvrir au projet de Dieu notre Père, trouver la vie dans son Fils au souffle de l’Esprit, et apprendre jour après jour le Chemin de la Vie, le Chemin de l’Amour, en vivant dans le Fils bien-aimé avec tous mes frères. Je découvre que l’autre est le Christ, et qu’ensemble nous devons construire, comme le disait saint Jean-Paul II, la civilisation de l’Amour !
Aujourd’hui, je contemple le nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire, et je me laisse instruire par Lui. Je découvre qu’il est le pauvre par excellence ; il n’a rien, mais éternellement il reçoit tout de son Père. Et si je veux entrer dans sa propre vie divine, je dois me dégager de tout et recevoir tout de mon Père du ciel, d’instant en instant et pour toujours. Quel merveilleux projet de vie pour nous tous, avec l’aide de l’Esprit Saint bien sûr !
Je voudrais aussi vous dire adieu, car en raison de mon âge, j’ai présenté ma démission au Saint Père, et j’attends, je pense pour les premiers jours de janvier, son acceptation et la nomination d’un administrateur en attendant l’arrivée d’un nouvel archevêque. Je rends grâce pour tout ce que j’ai vécu avec vous toutes ces dernières années. Mon seul désir maintenant est de commencer mon noviciat du ciel et de devenir un priant au service de l’Église à l’école de “saint” Charles de Foucauld et du bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, dont j’ai été le disciple, en attendant le jour où il me sera donné d’entrer dans la VIE.
Je vais me retirer dans le diocèse de Bayonne, à Pontacq à 10 km de Lourdes. Je ne vous oublierai pas, et dans ma prière je continuerai à intercéder pour vous tous, pour que vous deveniez des saints, voilà même le vœu que je formule pour vous en ce début d’année.
+ Jean-Pierre Cattenoz
Archevêque d’Avignon