Le pape François a publié le jour de la fête de saint François une encyclique pour nous inviter à découvrir la fraternité qui nous unit tous au cœur même de notre terre devenue un grand village. Nous sommes tous frères en humanité, nous habitons tous la même planète et nous nous devons de l’entretenir pour qu’elle permette à tous de vivre dignement des fruits de la terre et de toutes les réserves que Dieu y a déposées pour notre bien à tous.
Nous célébrons ces jours-ci la fête de tous les saints qui nous invite à découvrir une autre fraternité, celle qui unit tous les membres du Corps du Christ qui est l’Église. Si nous sommes tous vivants dans le Christ Jésus, nous sommes membres les uns des autres, frères en Christ et en Lui, tous solidaires.
Cette nouvelle fraternité est une réalité merveilleuse qui, comme le dit saint Paul, nous fait tous membres de la famille de Dieu, concitoyens des saints. L’Église de la terre et l’Église du ciel forment une immense fraternité en Christ et les liens qui nous unissent devraient nous permettre de nous appuyer sur nos frères aînés, sur tous les saints de nos familles, les saints de la maison d’à-côté, de leur demander de nous aider à grandir en sainteté, à prendre notre place dans cette grande famille, dans cette fraternité aux mille visages, et à devenir d’authentiques témoins de tous ces liens qui nous permettent de témoigner du projet de Dieu sur nous, sur toute l’humanité : « Je ne peux taire toutes les merveilles de Dieu dont je suis le témoin chaque jour, je ne peux taire tout l’amour qui se vit entre tous les saints, je me dois d‘en témoigner par toute ma vie ! ».
Quand je regarde la fraternité humaine qui est la nôtre dans notre terre de Provence, dans notre pays de France, je constate combien il est difficile de vivre ensemble avec toutes nos différences culturelles et religieuses, malgré les efforts de tant de nos concitoyens pour que cette fraternité ne soit pas un vain mot, mais se traduise dans un authentique “vivre ensemble en Vaucluse”, qu’il n’y ait plus de zones de non-droit, qu’il n’y ait plus de quartiers où nous avons peur de circuler le soir.
Malheureusement, voilà qu’à l’occasion du procès des auteurs de l’attentat de “Charlie Hebdo”, ce journal satirique publie de nouveau les caricatures contre Mohamed, véritable blasphème pour nos frères musulmans. Et comme si cela ne suffisait pas, le président de la République se permet de déclarer depuis le Liban : “Le blasphème est un droit en démocratie !” Dès que j’ai eu connaissance de cette déclaration, j’ai compris que nous allions entrer dans une spirale de violence sans précédent. Et la triste réalité est sous nos yeux aujourd’hui.
Comment justifier au nom même de la démocratie la liberté de dire et de publier tout et n’importe quoi ? La liberté au blasphème sous toutes ses formes n’a aucun fondement. Je comprends qu’il soit de bon ton aujourd’hui de se moquer des religions et de les traîner dans la boue, mais les auteurs de tels comportements se rendent-ils compte qu’ils bafouent la liberté dans son vrai sens, son sens profond et authentique ?
Au nom même de la fraternité, base de toute vie en société, je ne peux que redire : la liberté de chacun s’arrête là où je blesse gravement mon frère ! Il s’agit là d’une vérité fondement même de toute vie en société ou alors nous allons vers une dérive totalitaire qui ne dit pas son nom. En même temps, il nous faut condamner avec force les actes de violences et de barbarie qui prétendent répondre à cette conception erronée de la liberté.
Malheur à ceux qui dressent l’étendard du blasphème comme un droit fondamental d’une société démocratique, malheur à ceux qui y répondent en tuant leurs frères en humanité dans les conditions ignobles que nous connaissons.
Bienheureux les artisans de paix qui œuvrent quotidiennement pour que naisse et grandisse une authentique fraternité entre tous les habitants de notre pays, une fraternité qui a besoin de se traduire en actes dans nos quartiers, dans nos villages, dans nos églises, dans nos mosquées, dans nos synagogues.
Nous chrétiens catholiques, cessons de nous replier dans nos ghettos, allons à la rencontre de nos frères en humanité, apprenons à vivre ensemble. Demandons à nos élus de retrouver le vrai sens de la fraternité dont la République s’est emparée pour dire ce qu’elle voudrait être et dont elle a tant de mal à en vivre réellement.
+ Jean-Pierre Cattenoz,
Archevêque d’Avignon