« Celui qui veut être grand, sera votre serviteur »,
un scandale ou au contraire un chemin de vie pour nous tous ?
Dans sa lettre aux Galates, Paul écrit : « Portez les fardeaux les uns des autres, accomplissez ainsi la loi du Christ » (Gal 6, 2). En quelques mots, il nous donne un véritable programme de vie pour cette année du grand jubilé de la Miséricorde.
De la même manière, dans son Évangile (cf. Mc 10, 35-52), Marc raconte comment les fils de Zébédée, Jacques et Jean, se sont approchés de Jésus est lui ont dit avec prudence : « Maître, nous voudrions que tu fasses ce que nous allons te demander. » Jésus leur a demandé ce qu’ils voulaient et eux de répondre : « Nous voudrions siéger aux premières places dans ton Royaume, l’un à gauche et l’autre à droite, aux premières places en quelque sorte ! L’un de nous pourrait être ton premier ministre et l’autre ton ministre des affaires étrangères ». Les pauvres, ils n’ont rien compris, d’ailleurs les autres apôtres non plus car ils s’en prennent à Pierre et à Jean car eux aussi ont un plan de carrière pour ne pas être les derniers.
Avec force, Jésus prend alors le temps de remettre “les pendules à l’heure”, il appelle ses disciples et leur dit : « Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des nations, les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n’en est pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
Ensuite, Marc rapporte la rencontre, à Jéricho, de Jésus avec le fils de Timée, un mendiant aveugle qui ne cesse de crier : « Jésus, aie pitié de moi ! » Jésus le fait venir et lui demande comme aux fils de Zébédée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » et lui de répondre : « Maître, fais que je vois ! » Jésus lui dit : « Ta foi t’a sauvé ». Marc conclut en disant : « Aussitôt, il retrouva la vue et suivait Jésus sur le chemin ».
Chacun de nous peut s’interroger sur sa manière d’agir : prend-il modèle sur les fils de Zébédée pour chercher à se mettre en avant ou comme le fils de Timée n’a-t-il qu’un désir, celui de suivre Jésus et de recouvrer la vue qui lui permettra de comprendre le vrai sens de ce que Jésus veut nous dire. Entre les deux, Jésus lui-même se situe, il est venu pour servir et donner sa vie pour nous tous. Être le serviteur de ses frères, cela n’a pas bonne presse aujourd’hui, et pourtant, Jésus nous invite à le suivre sur ce chemin.
En ce carême, comment ne pas tourner les yeux vers Celui qui se fait le serviteur, Jésus, le serviteur souffrant dont Isaïe a annoncé la venue (Is 53, 1-12) : « Sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits ; objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à tous. Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche […]. Il a été retranché de la terre des vivants, il a été frappé pour le crime de son peuple […]. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes […]. Il s’est livré lui-même à la mort, il a été compté parmi les criminels, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels que nous sommes. »
Comment ne pas méditer, contempler Jésus, le serviteur qui donne sa vie pour la multitude. N’ayons pas peur de demander à la sainte Vierge de nous prendre par la main et de nous conduire sur ce chemin, elle qui, au matin de l’annonciation a simplement répondu à l’ange Gabriel : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). De même à Cana en Galilée, elle a dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ! » (Jn 2, 5).
Mettons-nous à l’école du Serviteur souffrant, avec Marie, et nous découvrirons la joie de porter les fardeaux les uns des autres dans l’amour. Bonne fin de carême à tous !
+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon