Le carême, une occasion formidable pour mettre en œuvre le grand jubilé de la miséricorde dans trois directions complémentaires :
- expérimenter la miséricorde dans notre propre vie,
- mettre en œuvre concrètement la miséricorde en famille, en paroisse, au travail et dans toutes nos relations humaines,
- et enfin réaliser des œuvres de miséricorde dans notre vie quotidienne.
Saint Paul écrit tout à la fois : « Je suis un homme vendu au péché, je ne fais pas le bien que je voudrais et je fais le mal que je ne voudrais pas, malheureux homme que je suis », et « Dieu qui est riche en miséricorde nous a libéré de notre esclavage et nous a rendu la vie en Jésus-Christ. » La chance du grand jubilé est vraiment de redécouvrir, d’expérimenter dans notre propre vie la miséricorde du Père. Nous faisons tous l’expérience du mal et du péché dans notre vie ; je voudrais faire le bien, mais trop souvent j’agis tout autrement. Devant ce spectacle désolant de notre propre vie, Dieu est bouleversé, il ne peut accepter de me voir ainsi partir à la dérive. Comme le Père de l’enfant prodigue, il est toujours prêt à m’ouvrir ses bras et à me serrer sur son cœur pour laisser son amour divin pénétrer en moi et me permettre de vivre d’amour, de son amour.
Pendant ce carême, n’ayons pas peur de suivre Jésus sur le chemin de Croix et de rester là, au pied de la Croix pour laisser les torrents d’amour qui ne cessent de couler de son cœur transpercé nous pénétrer, nous donner de vibrer au rythme de son amour divin. Jésus sur la Croix s’est écrié : « J’ai soif ! » Il a soif de notre amour à tous et à chacun. Il prend sur lui notre péché à chacun et à tous, il porte mon péché ; il est totalement défiguré par le péché des multitudes, mais il est venu pour cela, pour mourir à notre place et nous permettre de retrouver la vie en Lui ! Désormais, je peux vivre de sa propre vie divine et déployer toutes les richesses de mon humanité. N’ayez pas peur d’expérimenter la miséricorde de Dieu en Jésus et en Jésus crucifié.
Ensuite, cette miséricorde qui ne cesse de jaillir du cœur de Dieu, nous avons à la laisser déployer toute sa richesse divine dans notre vie conjugale et familiale, car elle nous donne de dépasser toutes les tensions, toutes les incompréhensions qui ne cessent d’opposer les époux, les parents à leurs enfants et les enfants à leurs parents. Elle doit rayonner et illuminer toute notre vie et nous permettre de témoigner de la puissance de l’amour dès lors qu’il s’enracine dans sa source véritable qui est le cœur du Christ.
Dans nos paroisses et dans notre diocèse, pendant ce carême, nous pouvons vivre une expérience formidable, celle d’expérimenter l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance et de vivre une réconciliation au-delà de tout ce qui a pu nous diviser toutes ces dernières années. L’Esprit Saint est prêt à mettre son emprise sur nos paroisses et sur notre diocèse pour que jaillisse en surabondance l’amour qui nous permettra de retrouver l’unité dans la charité. N’oublions jamais que ceux-là seuls sont enfants de Dieu qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu. Il est le maître d’œuvre de cette vie nouvelle dans le Christ qui est le projet même du Père depuis toujours : nous réunir tous en son Fils Bien-aimé et nous donner de partager sa propre vie divine dans l’Amour. Ce rayonnement de la charité doit pouvoir s’étendre à toutes nos relations humaines, au travail comme au cœur de toute notre vie en société, à chaque instant de nos vies : l’amour a soif de se répandre, de se communiquer.
Enfin, pendant ce carême, nous avons à mettre en œuvre les œuvres de miséricorde. Dans notre quartier, dans notre paroisse, combien de personnes seules, isolées, à qui nous pourrions apporter la joie d’une visite, d’une écoute, d’un accueil. Je pense à un médecin qui, chaque dimanche, après la messe, va chercher un de ses patients qui vit seul et l’amène à la maison pour partager le repas familial ; toute la famille est dans la joie de cette présence qui ouvre le cercle de la famille et lui donne d’expérimenter la joie d’accueillir gratuitement, simplement, dans la joie d’aimer. Comme notre vie serait plus belle si elle baignait dans cette joie de s’ouvrir à l’autre et aux autres en découvrant la joie d’aimer et de se laisser aimer, la joie d’expérimenter la miséricorde de notre Père et de la donner à notre tour à nos frères.
Je vous souhaite un bon carême à vous tous et pour tous ceux qui le pourront, rendez-vous le jeudi saint pour la messe chrismale à la cathédrale. Après plus de deux ans de travaux, nous allons retrouver la Métropole rayonnante de beauté, une beauté qui, à sa manière voudrait nous dire Dieu et nous conduire jusqu’à lui. Comment ne pas remercier les services de l’État pour le travail accompli qui met ainsi en valeur l’église mère de toutes les églises de notre diocèse. Puissions-nous en entrant dans la Métropole, en franchissant la porte sainte, expérimenter la miséricorde et découvrir que Dieu seul est source d’unité au delà de tous les germes de division qui nous habitent. Bon carême à tous.
+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon