L’ONU s’est révélée impuissante malgré la mise en place d’une armada d’inspecteurs en désarmement. Les grandes religions se sont unies pour intercéder pour la paix. Le Saint Père a dépêché le Cardinal Etchegaray à Bagdad. Le mercredi des cendres, nos communautés chrétiennes ont été invitées à jeûner et à prier. Rien n’y a fait, les bombes pleuvent, la parole est aux armes.
Les médias nous présentent une guerre quasi en directe et le public ne semble-t-il pas en raffoler ? La télévision nous donne de surfer d’une capitale à l’autre pour revenir dans la première dès qu’une sirène annonce l’arrivée possible en direct d’un missile ou d’une bombe. Mais n’y a-t-il pas quelque chose de malsain dans un tel spectacle qui aurait tout d’un jeu vidéo s’il n’y avait pas la vie de milliers d’innocents en jeu de part et d’autre.
Nous portons des jugements sur la décision américaine et sur la capacité d’une Nation à s’ériger en gendarme de la planète. Nous sommes étonnés de voir la Grande Bretagne et l’Espagne lui emboîter le pas malgré les réactions des opinions publiques. L’Europe au moment même où elle se prépare à accueillir de nouveaux membres apparaît totalement déchirée en clans rivaux.
Sans chercher au loin de quoi nourrir notre réflexion, regardons à notre porte : quand vous ouvrez votre journal, le matin, comment ne pas être lourd de toute la tristesse du monde en voyant toute la violence qui se déchaîne dans nos lycées et nos collèges, dans nos quartiers, dans nos villes et nos villages, sur nos routes où les carambolages se succèdent parce que quelqu’un a voulu gagner deux minutes en roulant comme un fou.
N’ayons pas peur d’ouvrir également les portes de nos Églises et de nos communautés chrétiennes : combien de langues qui se déchaînent comme des langues de vipères pour déverser leur venin sur un tel ou un tel ? Combien de jugements portés les uns contre les autres et qui blesseront plus sûrement qu’une balle ?
Et si la violence était tout autant en chacun de nos cœurs ? Chacun de nous ne peut-il pas le reconnaître ? La violence trop souvent nous habite. Nous voudrions aimer, mais nous en sommes incapables. Oui, la violence déchire mon cœur et ma vie !
Ce constat serait terrible si, dans une nuit d’hiver, les anges n’avaient chanté dans le ciel : “PAIX aux hommes que Dieu aime !” L’Emmanuel venait de naître, comme un pauvre, dans une étable. Si nous le suivons, nous l’entendrons nous redire : “Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu”. Mais, attention, la paix dont il nous parle n’a rien à voir avec celle que nous serions capables de mettre sur pied, au prix de mille compromis. Si vous voulez savoir de quelle paix il s’agit, alors, suivez-le : il vous conduira au pied de sa croix. Vous verrez toute la violence des hommes se déchaîner contre lui, et la vôtre aussi. Vous apercevrez le disciple bien-aimé au pied de la croix et vous entendrez Jésus murmurer, en lui montrant sa mère : “Voici ta Mère !” Et si c’était vous le disciple bien-aimé que Jésus donnait comme enfant à sa mère pour faire de vous son fils. Alors restez là avec elle et regardez-le, regardez-le mourir en croix, regarder le soldat romain qui s’approche de lui et lui perce le côté. Il ne s’agit pas du coup de grâce, il s’agit du jaillissement des sources de la vie qui enfin pourront redonner VIE et PAIX au monde.
Enfin, n’oubliez pas d’être là le soir de Pâques, avec les disciples. Vous l’entendrez vous dire, lui, le Ressuscité : “La Paix soit avec vous !” Et si vous oubliez, revenez la semaine suivante, il vous redira la même chose : “La Paix soit avec vous !” Cette Paix, il vous la donnera si vous la lui demandez comme un mendiant, comme un pauvre qui sait qu’il n’a aucun droit, qui sait que son cœur ne cesse de déborder de violence, mais qui vient mendier la Paix de son Seigneur et de son Dieu, cette Paix que lui seul peut me donner, peut nous donner, peut donner au monde.
+ Jean-Pierre Cattenoz
21 mars 2003