Oui, le Seigneur est vivant, nous en sommes les témoins ! Le message de Pâques est clair : “Le Seigneur est ressuscité, il est vivant !” Et pourtant, avouons-le, il n’est plus vivant comme nous ; nous ne pouvons le rencontrer ni dans nos villes, ni dans nos villages. Alors où est-il ? Dans le ciel, mais alors faut-il continuer à chanter : “Au ciel, j’irai le voir un jour !” et à vivre sur la terre dans l’attente d’une hypothétique rencontre à venir ?
Dans sa sagesse, l’Église qui connaît toutes nos pesanteurs, nous invite à découvrir le Ressuscité, à découvrir la vie qui est la sienne. La Parole de Dieu est une véritable catéchèse qui nous fait entrer par des images dans le mystère du Ressuscité : oui, il est vivant ! Il nous rejoint dans la Galilée de nos vies, c’est là que nous le rencontrerons.
Certes, dans la barque de l’Église, il paraît dormir au milieu des tempêtes mais il est là sur le coussin réservé au capitaine et si vous le réveillez, il vous dira : “Hommes de peu de foi !” car seule la foi vous découvrira sa véritable présence active et efficace au cœur de son Église.
Oui, il est là dans sa Parole, cette parole que Pierre adresse à la foule au matin de la Pentecôte et touche les cœurs, les livrant ainsi, par le don de soi, à l’emprise de l’Esprit, pour les conduire par le chemin de la foi à la rencontre et à l’union.
Oui, il est là dans le baptême, sépulture du vieil homme et berceau où la grâce me saisit pour me faire fils avec le Fils. Je meurs avec le Christ pour ressusciter avec lui : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi !”
Oui, il est là dans l’eucharistie, qui ne cesse de me redire : « Celui qui mange ma chair a la vie en lui [ ... ]. Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous ». Cette parole est claire et comment ne pas la redire avec toute la force de notre foi à tous ceux qui pensent qu’il est possible d’être chrétien sans être pratiquant ou qu’une messe de temps en temps suffit. Comment pourrais-je dire : “Pour moi vivre c’est le Christ”, sans me nourrir de lui ?
Oui, il est là dans l’eucharistie où il me donne sa chair en nourriture pour m’unir à lui : “Celui qui s’unit au Seigneur est un même être avec lui.” Vous vous rendez compte ! La petite Thérèse avait raison : “Ah ! qu’il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme ! Ce fut un baiser d’amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : “Je vous aime, je me donne à vous pour toujours.” Il n’y eut pas de demandes, pas de luttes, de sacrifices, depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s’étaient regardés et s’étaient compris... Ce jour-là, ce n’était plus un regard mais une fusion, ils n’étaient plus deux, Thérèse avait disparu comme la goutte d’eau qui se perd au sein de l’océan, Jésus restait seul, il était le maître, le Roi.” *
Oui, il est là au bord du lac pour remplir les filets qui étaient restés désespérément vides toute la nuit ! Il continue à remplir nos filets pour que nous devenions des pêcheurs d’hommes !
Oui, il est le cep et nous sommes les sarments et sans lui nous ne pouvons rien faire ! Et si le Père nous émonde, c’est pour que nous portions du fruit en abondance.
Oui, il est la porte qui seule nous ouvre le chemin de la vie, de cette vie pour laquelle nous sommes faits, la vie divine, l’intimité trinitaire !
Oui, il est le bon pasteur, il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent ! Quelle force merveilleuse dans cette image, force des liens qui unissent le pasteur et son troupeau, liens qui nous unissent à Jésus l’unique bon pasteur.
Permettez-moi de vous raconter un souvenir personnel. Il y a bien des années, quand j’étais berger chez les Fulbe, il nous arrivait souvent de croiser d’autres troupeaux et certaines bêtes s’égaraient ; le soir au campement un coup d’œil rapide permettait de vérifier si toutes les bêtes étaient là. S’il en manquait, nous partions à leur recherche, le bâton sur les épaules. En arrivant près du campement du troupeau croisé dans la journée nous lancions notre cri, simple petit appel, et immédiatement nous apercevions des oreilles qui se dressaient puis des bêtes se levaient et se précipitaient à notre rencontre dans la joie des retrouvailles, sous l’œil amusé des bergers qui savaient que ces bêtes ne leur appartenaient pas. Il y a des liens de connivence entre le berger et son troupeau, entre la voix du berger et chacune de ses bêtes. De même, dans la nuit si le feulement des lions se faisait entendre, les bêtes elles-mêmes nous réveillaient apeurées et il nous fallait faire tout le bruit possible pour écarter les fauves rôdant autour du troupeau.
Oui, Jésus est notre bon pasteur, il veille sur nous, il part à la recherche de la brebis égarée, il connaît chacune par son nom et il a donné sa vie pour les rassembler dans l’unique bercail du Père. Il veille sur chacune d’elles, il veille sur chacun de nous comme à la prunelle de son oeil.
Si le Seigneur a dit à Pierre : “Pais mes agneaux, pais mes brebis !” Ce n’est pas qu’il deviendrait le bon pasteur à la place de Jésus, mais il devient le signe et le moyen par lequel le Bon Pasteur est présent au cœur de son troupeau pour le temps de l’histoire.
Oui, le Seigneur est là au milieu de nous, nous pouvons le rejoindre ou plutôt nous laisser rejoindre par lui d’une multitude de manières et nous pouvons vivre en sa présence à chaque instant de nos vies.
* Histoire d’une âme, manuscrit A
+ Jean-Pierre Cattenoz
7 juin 2003