Le pape François nous invite sans cesse à rayonner la joie de l’Évangile, mais au fond qu’est-ce que c’est “la joie de l’Évangile” ? On en parle, on en parle, mais souvent sans savoir vraiment dire ce qu’elle est, quelle est sa source et quelles en sont ou devraient en être les conséquences en nous ?
Si vous le voulez, allons ensemble jusqu’au calvaire, mettons nos pieds dans ceux du disciple que Jésus aimait, car nous le sommes tous, alors avec Marie, nous pouvons accueillir la source de la vie, la source de l’amour qui jaillit du cœur de Jésus pour nous rejoindre, pour me rejoindre et me redonner vie. Alors, cet amour pénètre en moi, et bouleversé je me découvre aimé, pardonné. L’amour du Père pour moi en Jésus est devenu amour de miséricorde ; le cœur de Dieu est bouleversé par la catastrophe qui m’est arrivée et il a été jusque là pour ouvrir pour moi, pour nous tous un nouveau chemin de Vie.
En contemplant Jésus sur la Croix, les prophéties d’Isaïe montent dans ma mémoire : « Comme un agneau qu’on mène à l’abattoir, il a pris sur lui nos maladies, il s’est chargé de nos infirmités ! » Il m’a aimé jusque là et il m’invite à me décharger du fardeau qui pèse dans mon cœur, des péchés, des blessures dont je porte les conséquences en moi. Alors, je peux découvrir émerveillé ce que veut dire : “Je suis sauvé !” Je suis le “Barabbas” que Pilate présente à la foule, le fils du Père dans son Fils bien-aimé, voulu comme tel de toute éternité. Mais comme Barabbas, de par mon péché j’étais un condamné sans aucune espérance, et voilà que Jésus, l’Emmanuel, le Fils du Père, le Barabbas au sens plénier prend sur lui mon péché, “mes maladies et mes infirmités”, il va mourir pour moi.
Par sa mort, toute poursuite en justice est éteinte, la mort d’un justiciable met fin à toute poursuite - et par sa résurrection d’entre les morts, il m’ouvre la possibilité de retrouver la vie en lui. Rappelez-vous dans le tombeau, le jeune homme vêtu de blanc qui s’adresse aux femmes pour leur dire : « Allez dire à Pierre et aux disciples : “Jésus, il vous précède dans la Galilée de vos vies quotidiennes, c’est là que vous le rencontrerez comme il vous l’a dit” ». J’ai trouvé la joie de l’Évangile, je peux m’en réjouir. Elle consiste tout simplement à prendre conscience de la présence de Jésus en moi, à expérimenter sa présence avec toutes ses conséquences. Son amour de miséricorde m’envahit, illumine mon cœur, mon intelligence et ma vie quotidienne à chaque instant. Son amour pour moi fait jaillir l’amour dans mon cœur et à mon tour je peux aimer, je peux l’aimer et entendre saint Jean me redire : « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera et nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure. » (Jn 13, ?)
Aimer et se laisser aimer dans l’amour de miséricorde de Jésus, vivre d’instant en instant en sa présence dans l’ordinaire de la vie. Mais cet amour qui jaillit du cœur de Jésus en prenant vie en moi me conduit à mon tour à vivre d’amour, à témoigner l’amour avec joie, la joie de la bonne nouvelle, la joie de l’Évangile.
Aussi, je vous invite tous pendant ce temps de carême, à suivre Jésus sur le chemin du calvaire pour expérimenter cet amour qui jaillit du cœur de Dieu. Ensuite, puissions-nous tous expérimenter au quotidien la joie de l’Évangile, une joie qui rayonnera d’elle-même auprès de tous ceux que nous côtoyons à chaque instant, une joie qui devenant communicatrice sera celle de toute la communauté, de toutes nos paroisses, de toute notre Église, une joie qui deviendra chaque jour davantage missionnaire pour rejoindre toutes les périphéries dont nous parle si souvent le pape François. En effet, comment garder pour moi cette bonne nouvelle, j’ai envie de la partager à mes frères pour qu’à leur tour ils découvrent cette joie et en vivent. A la racine, il y a le besoin de l’Amour de se répandre, de se communiquer et en se communiquant, il devient joie dans les cœurs.
Récemment, en visitant l’abbaye de Sénanque, je suis resté émerveillé au bord du cloître par le “chapitre”, le lieu où les moines se réunissent pour vivre la miséricorde, le pardon, la communion, la joie de l’Évangile avant d’en vivre à chaque instant de leur vie quotidienne et en face de l’entrée du Chapitre, dans la pierre le diable, l’accusateur, celui qui vit en accusant, en critiquant, en déchirant, en broyant, ses dents ressemblent aux dents d’une scie qui déchire et broie. Ainsi, en entrant comme en sortant du chapitre, le moine est invité à choisir entre la critique, l’accusation et la miséricorde, le pardon et la joie. Un choix que nous avons nous aussi à assumer à chaque instant pour vivre nous aussi de la joie de l’Évangile.
+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon