Devant le tombeau vide… à la lecture comparée de quatre évangiles.
Au premier jour de la semaine, le matin de Pâque, ni les apôtres, ni les femmes ne comprennent véritablement ce qui se passe, une enquête rapide nous le confirme. Au départ, un fait est certain : le tombeau a été ouvert, le corps de Jésus n’est plus là. A partir de là, les versions divergent.
Dans l’Évangile de Matthieu, deux femmes, Marie de Magdala et l’autre Marie vont au tombeau, elles assistent à un grand tremblement de terre, l’ange du Seigneur vient rouler la pierre et s’assied dessus. Les gardes eux sont comme pétrifiés par la peur. L’ange charge les deux femmes d’un message pour les disciples ; aussitôt celles-ci, tout émues et pleines de joie, courent porter la nouvelle aux disciples.
Dans l’Évangile de Marc, les mêmes femmes plus Salomé vont au tombeau avec des aromates ; de manière contradictoire, nous sommes encore en pleine nuit et le soleil est levé, allez comprendre ! De quel soleil s’agit-il ? Elles arrivent la pierre est roulée et là un jeune homme vêtu de blanc leur annonce qu’il est ressuscité et leur confie un message pour les disciples et pour Pierre. Sur ce, effrayées, elles sortent du tombeau en courant et ne dirent rien à personne ; la première version de l’Évangile de Marc se termine sur ces mots. Mais alors comment sait-on qu’il est ressuscité ?
Dans l’Évangile de Luc, des femmes vont au tombeau portant des aromates, elles trouvent la pierre roulée, elles entrent et constatent que le tombeau est vide ; elles sont toutes perplexes. Alors deux hommes en habit resplendissant leur annonce qu’il est ressuscité comme il l’avait annoncé. Elles retrouvent les apôtres et leur rapportent les faits, mais ces propos leur semblent du radotage et ils ne les crurent pas. Cependant, Pierre court au tombeau et ne voit que les linges. Il rentre chez lui tout surpris de ce qui est arrivé.
Dans l’Évangile de Jean, Marie de Magdala vient au tombeau de bonne heure, il fait encore sombre et aperçoit la pierre enlevée du tombeau ; elle court dire à Simon Pierre et au disciple que Jésus aimait : On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis. Pierre sort avec l’autre disciple et tous les deux partent en courant au tombeau. Le disciple que Jésus aimait arrive le premier, il voit les linges gisant à terre, mais il n’entre pas, il attend Pierre. Quand celui-ci arrive, il entre dans le tombeau et constate : les linges sont là par terre et le suaire qui avait recouvert sa tête, lui est roulé à part dans un endroit. Alors l’autre disciple entre, il vit et il crut ! Il est le premier à croire.
Si nous poursuivons notre enquête, nous découvrons une deuxième réalité. Devant la difficulté des uns et des autres à croire en la résurrection de Jésus, le Ressuscité lui-même vient à la rencontre des femmes et des disciples.
Dans l’Évangile de Matthieu, à peine les femmes ont-elles quitté le tombeau que Jésus vient à leur rencontre, elles s’approchent de lui et se prosternent à ses pieds. Alors Jésus lui-même leur confie un message pour ses frères : « Ils doivent partir pour la Galilée et là, ils me verront. »
Dans l’Évangile de Marc, les choses sont différentes. Au moment de l’arrestation de Jésus, un jeune homme vêtu d’un drap, laisse le drap et s’en va tout nu. Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathie achète un drap - le même mot est employé que le drap dont était vêtu le jeune homme – et il enveloppe dans ce drap le corps mort de Jésus. Au matin de Pâque, le jeune homme est là, mais revêtu d’un vêtement blanc et c’est lui qui est chargé d’aller dire aux disciples et à Pierre le message de Pâque : « Il est ressuscité, il vous précède dans la Galilée de vos vies quotidiennes, c’est là que vous le rencontrerez comme il vous l’a dit. » Ce jeune homme n’est autre qu’un nouveau baptisé. Il a laissé son vêtement de péché, le Christ l’a reçu et est mort à sa place et le voilà maintenant vivant de la vie du Ressuscité et il lui revient d’aller proclamer la bonne nouvelle : « Jésus est vivant, il nous précède tous dans le quotidien de nos vies, c’est là que nous le rencontrerons ».
Dans l’Évangile de Luc, le soir du premier jour de la semaine, Jésus part à la rencontre des disciples d’Emmaüs qui rentraient chez eux tout tristes, il les rejoint, fait route avec eux, leur demande d’où vient la tristesse qui habite leur cœur comme trop souvent le nôtre. Alors il leur explique tout ce qui vient de se passer et leur cœur était tout brûlant alors qu’il leur parlait. Enfin, le soir venu, ils l’invitent à rester avec eux, il accepte et se fait reconnaître à la fraction du pain. Alors il disparaît, mais il demeure présent, présent dans l’eucharistie qui nous donne plus qu’une simple rencontre, elle nous permet de vivre unis à lui, de vivre de sa vie de Ressuscité. Les voilà qui reprennent la route, pour aller partager la bonne nouvelle avec nous tous.
Enfin, dans l’Évangile de Jean, Jésus s’approche de Marie de Magdala et lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu, qui cherches-tu ? » Elle le prend pour le jardinier – mais de quel jardin s’agit-il ? – et Jésus se fait reconnaître en l’appelant par son nom : « Marie ! » Elle est toute bouleversée et voudrait étreindre celui que son cœur aime, mais Jésus l’envoie nous annoncer, annoncer à tous ses frères et disciples la bonne nouvelle : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Oui, désormais, nous avons retrouvé notre vocation : entrer dans la famille de Dieu, vivre en enfant bien-aimé du Père dans l’unique bien-aimé. Le projet de Dieu va jusque là et il nous a aimé jusqu’à nous donner son Fils ; il est venu partager notre vie humaine et prendre sur lui le péché des multitudes, il est mort pour nous et maintenant il vient à notre rencontre. Une rencontre qui se vit dans notre vie quotidienne, là nous pouvons le rencontrer et vivre une aventure à laquelle personne n’aurait cru si lui-même n’était pas venu à notre rencontre au matin de Pâque. Comme à Marie, il nous pose aujourd’hui encore la question : « Qui cherches-tu ? » Il voudrait bien se faire reconnaître de nous et nous appeler par notre nom pour que nous puissions retrouver Celui que notre cœur aime sans même souvent le savoir.
De plus, il nous a donné l’Esprit Saint pour nous permettre de dépasser toutes nos craintes et nous laisser conduire par lui jusqu’à la plénitude de la rencontre.
Durant ces semaines pascales et ces mois de mai et de juin, de nombreux jeunes vont faire leur première communion, être confirmés, faire leur profession de foi, d’autres se préparent au mariage ; ils vont vivre des temps de retraite ou de pèlerinage à Lourdes ou ailleurs. Mais beaucoup ne savent pas encore vraiment ce que cela veut dire « être chrétien », « vivre en chrétien », beaucoup de parents d’ailleurs ne le savent pas non plus. A tous, je voudrais souhaiter de vivre une authentique rencontre avec Jésus, avec le Ressuscité. Ce qui s’est passé à l’aube de Pâque, est exactement ce que nous sommes tous invités à vivre : se laisser rencontrer par Jésus, le découvrir présent dans nos vies quotidiennes et accepter de vivre au rythme de sa présence et de son amour.
Avignon, le dimanche de la Miséricorde
+ Jean-Pierre Cattenoz