Dans sa lettre encyclique "l’Évangile de la vie", le Saint Père, il y a juste dix ans nous invitait à annoncer avec courage et fidélité l’évangile de la vie comme une bonne nouvelle pour les hommes de toute époque et de toute culture et à dénoncer toute atteinte portée à la vie.
Il dénonçait la gravité de tout avortement provoqué : “Parmi tous les crimes que l’homme peut accomplir contre la vie, l’avortement provoqué présentent des caractéristiques qui le rendent particulièrement grave et condamnable [...]. Mais aujourd’hui, dans la conscience de nombreuses personnes, la perception de sa gravité s’est progressivement obscurcie. L’acceptation de l’avortement dans les mentalités, dans les mœurs et dans la loi elle-même est un signe éloquent d’une crise très dangereuse du sens moral.” (n°58) Devant une situation aussi grave, il est important nous rappelait le Saint Père d’appeler les choses par leur nom : “L’avortement provoqué est le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d’un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance. La gravité morale de l’avortement provoqué apparaît dans toute sa vérité si l’on reconnaît qu’il s’agit d’un homicide [...]. Celui qui est supprimé est un être humain qui commence à vivre [...] Il est faible, sans défense, au point d’être privé même du plus infime moyen de défense, celui des pleurs du nouveau né.” (n°58)
“Pour décider de la mort de l’enfant non encore né, aux côtés de la mère se trouvent souvent d’autres personnes. Avant tout, le père de l’enfant peut être coupable [.]. De cette manière, la famille est mortellement blessée et profanée dans sa nature de communauté d’amour et dans sa vocation à être sanctuaire de la vie” (n°58) Mais la responsabilité incombe souvent à un cercle plus vaste où toute la société à sa part avec le législateur qui a promu et approuvé des lois en faveur de l’avortement.
Dans le même temps, le Saint Père pouvait écrire : “Je voudrais adresser une pensée spéciale à vous, femmes qui avez eu recours à l’avortement. L’Église sait combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision et elle ne doute pas que, dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n’est pas encore refermée. En réalité, ce qui s’est produit a été et demeure profondément injuste. Mais ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l’espérance [.]. Le Père des miséricordes vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix [.]. Vous vous rendrez compte que rien n’est perdu et vous pourrez aussi demander pardon à votre enfant qui vit désormais dans le Seigneur.” (n°99)
En même temps, comment ne pas entendre les paroles de Jésus lui-même : “Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance” (Jn 10, 10) et nous réjouir de la venue de Celui qui est “le Prince de la vie” et qui a voulu partager notre aventure humaine pour que nous puissions partager sa propre vie divine. Il est mort sur la Croix pour nous sauver et de son cour transpercé continue à descendre sur le monde les flots de l’amour divin qui nous donnent la Vie et la Vie en surabondance. Celui qui est “le Chemin, la Vérité et la Vie” a soif de rejoindre tout homme et toute femme pour lui donner ou redonner tous ses trésors divins et lui montrer le chemin de la Vie. Les bras de Dieu sont toujours ouverts attendant le retour de ses enfants pour les serrer dans ses bras et leur redonner tout son amour divin.
Trente ans après la promulgation de la loi de 1975, je reçois des témoignages, toujours plus nombreux, de femmes, d’hommes et de soignants qui souffrent à cause de l’avortement, qui ont le sentiment d’un échec dramatique. Attentif à toutes ces souffrances, je voudrais me tourner vers celles et ceux qui vivent aujourd’hui les conséquences de l’avortement ou qui risquent d’être tentés par l’avortement lorsqu’ils sont confrontés à une grossesse difficile. Nous savons bien ce que les atteintes à la vie commençante ouvrent comme déchirures dans la vie des femmes, des couples et des familles.
Je me sens appelé à dire à toutes les personnes qui portent, souvent dans le secret de leur coeur, les conséquences douloureuses de l’avortement - les femmes qui l’ont subi, les hommes qui le leur ont demandé, les équipes médicales qui y ont participé -, la conscience que j’ai de leur désarroi, de leurs souffrances et de leur sentiment de culpabilité. Je voudrais les encourager à ne pas en rester là. L’Église leur est ouverte. Consciente de l’injustice et de la gravité d’un tel acte, elle sait quels conditionnements ont pu peser sur celles qui l’ont subi ou ceux qui y ont participé : comment ne pas leur annoncer que le pardon de Dieu, est plus fort que tout, dès lors qu’on a honnêtement fait la vérité sur sa part de responsabilité ? Dieu ne condamne pas le pécheur : au contraire, il est toujours prêt à lui ouvrir ses bras pour le pardonner et le consoler. Cela vaut même et surtout pour ceux qui ont tant de difficultés à se pardonner à eux-mêmes. Que l’avortement tourne vers Dieu et l’Église au lieu d’en détourner. Et que les hommes et femmes de bonne volonté sachent écouter et consoler sans condamner.
Je me sens aussi appelé à dire à tous, spécialement aux femmes : je sais toutes ces pressions qui peuvent vous pousser vers l’avortement, en cas de grossesse imprévue ou difficile. C’est dans de telles circonstances qu’il faut s’accrocher à l’invitation de Dieu “choisis donc la vie !” qui a là un sens particulièrement précieux parce qu’elle sauve. L’Église veut, là aussi, être proche de vous, et vous aider.
Puissions-nous éviter, en renouvelant cet appel, que des mamans tombent dans ce piège de l’avortement, si lourd de conséquences pour elles-mêmes, leur entourage et la société tout entière. Cette dernière doit développer les aides nécessaires pour que les femmes enceintes ne considèrent plus le recours à l’avortement comme la solution obligée à leurs difficultés. Les chrétiens y contribuent en développant les oeuvres d’accueil et d’aide aux femmes enceintes et aux jeunes mamans.
J’invite tous les chrétiens du diocèse à partager ce message avec délicatesse et courage : oui, d’une part la vie mérite d’être respectée dès la conception, et d’autre part, pour toute personne qui n’a pas su accueillir la vie, "rien n’est jamais perdu".
+ Jean Pierre Cattenoz
Janvier 2005