Pendant l’eucharistie, nous étions côte à côte, le pasteur Thomas Roberts et moi-même, à Pau lors d’un week-end du renouveau charismatique du Sud-Ouest. Pendant toute la messe, Thomas a pleuré, il savait que nos Églises ne pouvaient vivre l’intercommunion en raison de leurs divisions, jamais il n’aurait voulu transgresser cette impossible intercommunion. Ses larmes exprimaient sa souffrance, son cœur lourd de toutes nos divisions. Souvent, j’ai pleuré avec lui, mais nos pleurs exprimaient une communion beaucoup plus grande que toutes nos divisions.
Je l’entends encore me dire : « Il y a des siècles, nous nous battions puis nous nous sommes ignorés pendant des générations. Après cela, nous avons commencé à nous rencontrer, nous étions des frères séparés et nous insistions sur le mot “séparés”. Aujourd’hui, nous sommes toujours des frères séparés, mais nous insistons maintenant sur le mot de “frères” ! »
Pendant près de cinq années, nous nous retrouvions plusieurs fois par an et quelle joie pour moi de retrouver un frère en Christ, même si souvent notre communion s’exprimait par nos larmes !
Plusieurs années plus tard, au Tchad, j’ai pris contact avec la faculté protestante de N’Djaména qui regroupaient plusieurs confessions dans une grande faculté de théologie et j’ai invité un pasteur américain à venir rencontrer nos séminaristes pour leur parler de l’importance de l’œcuménisme et pour une célébration commune. Il est venu avec joie et ce fut un beau moment de communion. En partant, le pasteur me dit : « Tu sais, je ne pourrai t’inviter à venir à ton tour dans notre faculté, car ici, vous les catholiques, vous êtes considérés comme le diable ! » Bien-sûr, j’ai continué à l’inviter et nous avons vécu de beaux moments de communion avec tout le séminaire et lui.
Ici, à Avignon, ma joie est de me retrouver avant Noël, Pâque et Pentecôte, la bible à la main, avec plusieurs de mes frères pasteurs de l’Église protestante unie de France, prêtre de l’Église orthodoxe et pasteurs évangéliques, pour une grande émission sur radio RCF à méditer ensemble un des grands textes de Noël, Pâques ou Pentecôte. Quelle joie et quelle communion de “vibrer ensemble” au rythme de la Parole, du Verbe bien aimé du Père.
Mon regret est de ne pas avoir réussi à créer de vrais liens de communion avec mes frères et sœurs pasteurs de l’Église réformée de France puis de l’Église protestante unie de France. J’ai essayé de provoquer des rencontres, nous nous sommes retrouvés un jour tous ensemble pasteurs et présidents de conseils presbytéraux du Vaucluse avec quelques prêtres pour un vrai temps fraternel autour de la nouvelle bible de la liturgie, mais ce fut sans lendemain. Pourtant quelle joie et quelle reconnaissance au Pasteur Paul Guiraud qui était à la retraite à Carpentras : il a tout fait pour que l’Église réformée de France lise les mêmes lectures liturgiques que nous chaque dimanche, et il a réussi, Bravo, Alleluia ! Il s’agissait d’une avancée bouleversante : Être ensemble à l’écoute de la même Parole chaque dimanche, quelle merveille ! De plus, à Orange, à Avignon, à Valréas, à Lourmarin et dans bien d’autres paroisses, il y a des groupes bibliques “œcuméniques” qui se réunissent pour se mettre humblement à l’écoute de la Parole.
Mais il est vrai que mon cœur reste lourd de toutes nos divisions, notamment sur le plan sacramentel, et qu’il m’arrive encore de pleurer devant un tel champ de ruines, là où Jésus, le Ressuscité ne cesse de prier le Père avec toujours les mêmes mots : « Qu’ils soient un, Père, comme nous sommes un, toi en moi et moi en toi ! »
+ Jean-Pierre Cattenoz,
Archevêque d’Avignon