Si notre vie s’enracine dans le Christ, si nous sommes ses disciples, notre programme ne peut que s’inspirer du seul commandement que Jésus nous a donné : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 13,34). Ici encore, le programme n’a pas changé depuis 2000 ans ; il est fort simple et peut se résumer d’un mot, celui de communion (koinonia) ou de fraternité. Ce dernier mot qui n’existait pas dans la langue grecque avant la naissance du christianisme a été forgé par les chrétiens pour dire ce qu’ils voulaient vivre : la fraternité, être frères. De même, avant qu’apparaisse le mot d’Église, les disciples de Jésus utilisaient le mot de communion pour désigner la communauté qu’ils formaient. Il n’y a rien de nouveau et la petite sainte, Thérèse de l’Enfant-Jésus, le dernier docteur de l’Église pourra dire : “C’est l’amour seul qui compte.”
L’Amour ne cesse de jaillir du cœur de Dieu pour se déverser en nous. L’Esprit Saint nous a été donné au jour de notre baptême et sa première mission est de répandre en nous l’amour de Dieu (cf. Rm 5,5) pour faire de nous tous les membres du Corps du Christ, ayant un seul cœur et une seule âme (cf. Ac 4, 32). En vivant cette grande communion d’amour, l’Église sera au cœur de notre monde, comme le Concile Vatican II nous l’a rappelé : “le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain” (Constitution sur l’Église, n° 1).
La perspective dans laquelle doivent se situer toutes nos orientations pastorales est celle de l’amour de charité. Saint Paul nous le rappelle dans l’hymne à la charité, n’ayons pas peur de méditer ces paroles : “Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’un cuivre qui résonne ou une cymbale retentissante. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien. La charité prend patience ; la charité rend service ; elle ne jalouse pas ; la charité ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; elle ne fait lien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.” (1 Co 13, 1-7).
La charité est vraiment le cœur de l’Église dans sa vie quotidienne. Là encore, Thérèse de l’Enfant-Jésus nous l’a rappelé : “Je compris que l’Église avait un cœur et que ce cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église [ ... ] Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout” (Ms. B, 3v°)
Si nous voulons être fidèles à notre vocation de chrétiens et répondre aux attentes profondes du monde, le grand défi qui se présente à nous est celui de la communion dans l’amour. Notre communauté diocésaine ne pourra grandir et se développer qu’à la condition de s’enraciner dans l’amour, dans la communion.
Le Saint Père nous l’a rappelé avec force dans sa lettre “Au début du nouveau millénaire” en disant qu’avant même de programmer des initiatives concrètes dans l’ordre de la charité, il nous fallait “promouvoir une spiritualité de la communion, en la faisant ressortir comme principe éducatif partout où sont formés l’homme et le chrétien, où sont éduqués les ministres de l’autel, les personnes consacrées, les agents pastoraux, où se construisent les familles et les communautés” (no 43).
Cette spiritualité de la communion consiste avant tout en un regard capable de discerner la présence de Dieu en nous et dans le visage des frères qui nous entourent. Là encore le Saint Père nous montre le chemin : “Une spiritualité de la communion, cela veut dire la capacité d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant donc comme “l’un des nôtres” pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié profonde. Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu [ ... ]. Une spiritualité de la communion c’est enfin savoir “donner une place” à son frère, en portant “les fardeaux les uns des autres” (Gal 6, 2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousie” (no 43).
Les lieux de la communion doivent être entretenus et étendus jour après jour, à tout niveau, dans le tissu de la vie de notre Église. La communion doit habiter nos relations mutuelles dans une écoute réciproque, confiante et fraternelle, entre l’évêque, les prêtres, les diacres, les religieux et religieuses, les communautés, les mouvements et les services, et tout le peuple de Dieu habité par l’Esprit de Dieu.
Cette perspective de communion dans l’amour est le vœu que je formule pour notre Église diocésaine et pour chacun de ses membres en cette veille de Noël. Que l’Emmanuel puisse naître en chacun de nous et en chacune de nos communautés dans la nuit de Noël, pour que sa présence vienne faire toute chose nouvelle en chacun de nos cœurs et nous donner d’être pour tous nos frères les hommes des témoins de l’Amour divin qui nous habite.
+ Jean-Pierre Cattenoz
14 décembre 2002