J’ai repris mon Evangile, celui de saint Matthieu qui nous accompagne cette année. J’ai voulu relire la règle de vie que Jésus nous propose, mais j’ai immédiatement perdu pied. Je me sais incapable de mettre en œuvre tout ce programme de vie et je mets au défi quiconque de pouvoir mettre en pratique toutes ces exigences de la loi nouvelle qui va jusqu’à nous dire : “Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait !” Alors, que faire ? Faudra- t-il baisser les bras et reconnaître que ce projet de vie me dépasse totalement ? Faudra-t-il alors accepter de continuer à cheminer dans la médiocrité sans espérance sinon celle de ne pas être pire que les autres ?
Cependant, il me semblait que l’évangéliste, lui-même, avait voulu me conduire à cette conclusion : impossible ! Impossible de vivre à la manière de l’Evangile ! Alors j’ai repris ma lecture des chapitres suivants de l’évangile espérant y trouver une réponse et effectivement j’ai trouvé la lumière. L’évangéliste me présenta tour à tour le lépreux, le paralysé, les aveugles, le sourd-muet… Chacun criait sa souffrance au Seigneur et je m’aperçus que ces cris devenaient les miens ; ils montaient sur mes lèvres pour dire ma souffrance de ne pouvoir répondre à tout ce que le Seigneur me demandait.
Avec le lépreux, je pouvais dire : “Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier” ; et je voyais Jésus étendre de nouveau la main pour me toucher tout en me disant : “Je le veux, sois purifié”. Avec les apôtres paniqués dans une mer déchaînée alors que la barque déjà prenait l’eau, je me surprenais à crier avec eux : “Seigneur, au secours ! Nous périssons” ; et comme autrefois, Jésus que je croyais endormi, de me dire : « Pourquoi as-tu peur, homme de peu de foi ? » Avec le centurion, je redisais à Jésus ces paroles : “Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, dis seulement une parole et je serai guéri”. Avec la femme qui souffrait d’hémorragie, je me disais : “Si seulement j’arrive à toucher son vêtement, je serai sauvé” ; et aussitôt Jésus se retourna et me dit : “Confiance, mon fils ! Ta foi t’a sauvé”.
Je pouvais ainsi m’identifier à tous ces malades qui venaient mendier leur guérison ou leur salut auprès du Seigneur. Je faisais miens leurs cris et une force sortait de Jésus pour venir me guérir et me délivrer de toutes les forces de mort qui m’empêchaient de répondre à son appel à prendre le chemin de la vie, à être à mon tour sel de la terre et lumière du monde. Mais je n’en avais pas encore fi ni de mes découvertes, car je m’aperçus alors que par trois fois, l’évangéliste me donnait la solution et répondait à mes attentes. D’abord, il me rappela ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : “C’est lui qui a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies”. Ensuite, il laissa Jésus me dire : “Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecins mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs”. Enfin, saint Matthieu lui-même écrivait : “Voyant les foules, Jésus eut pitié d’elles, parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis qui n’ont pas de berger”.
Je n’avais donc qu’une chose à faire, déposer dans les bras de Jésus en Croix toutes mes maladies et toutes mes infirmités ; comme un médecin il me prenait en charge et la miséricorde de son cœur continuait à jaillir pour me rendre la vie. Enfin, bouleversé devant la brebis égarée que je suis, il vint me prendre sur ses épaules pour me ramener dans la maison paternelle, je n’avais qu’à me laisser et à le laisser faire. N’ayons donc pas peur de prendre du temps pour lire l’Évangile, pour le laisser venir illuminer notre cœur et nous montrer le chemin de la vie. Puissions-nous tous entrer dans ce chemin de conversion et de foi dans l’Évangile pour pouvoir accueillir par-delà le vendredi saint l’aube de Pâques dans la lumière du ressuscité qui nous entraînera avec lui au chemin de la Vie.
+ Mgr Jean-Pierre Cattenoz
1er mars 2008