« Aujourd’hui nous est né un Sauveur », cette bonne nouvelle ne saurait nous laisser indifférents, me laisser indifférent, elle me concerne, elle nous concerne tous et ensemble, allons à Bethléem voir ce qui est advenu. Avec les bergers, nous découvrirons celui qui est devenu l’un de nous, il nous sera
donné de développer notre sensibilité aux signes silencieux par lesquels Dieu veut nous guider. Seigneur ouvre les yeux de nos coeurs à ta proximité dans nos vies pour en vivre et en devenir les témoins auprès de tous nos frères.
Le Sauveur est né, qu’y a-t-il de plus important ? Avec les bergers, hâtons-nous ! Les affaires de Dieu sont prioritaires, les bergers sont là pour nous le rappeler. Apprenons d’eux à ne pas nous laisser écraser par les choses de la vie quotidienne, retrouvons la liberté intérieure de mettre au second plan tout le reste pour laisser Dieu entrer dans notre vie et y occuper la première place.
Nous vivons absorbés dans des préoccupations qui rendent bien long le chemin vers la crèche, mais le Seigneur ne cesse de disposer des signes adaptés à chacun pour nous permettre de dire à notre tour : allons nous aussi voir ce Dieu qui est venu à notre rencontre, et voici le signe qui nous est donné : « Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12). Le signe n’est pas un miracle bouleversant, le signe de Dieu est son humilité, il se fait petit, devient enfant, se laisse toucher et nous invite à devenir semblable à lui. Nous le deviendrons si nous nous laissons façonner par ce signe, si nous apprenons l’humilité et si nous renonçons à la violence et à toute autre arme que la vérité et l’amour.
Quel voeu formuler pour notre presbyterium, pour les prêtres et les diacres, pour les séminaristes de notre diocèse ? Que cette année nous trouve tous engagés dans un renouveau intérieur afin de rendre plus fort et vigoureux notre témoignage évangélique dans notre diocèse. Qu’ensemble, nous puissions découvrir toujours davantage la richesse du sacrement qui nous a confi gurés ou nous configurera à jamais au Christ, chacun selon son ordre.
Ce sacrement est un trésor que nous portons dans des vases d’argiles et souvent nous faisons comme Paul l’expérience de notre pauvreté. Avec lui, nous disons alors : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ». En effet, au coeur même de ma pauvreté et de ma faiblesse, Dieu me donne la force et la joie.
Tous nous avons à témoigner de cette joie et de cette espérance qui nous habitent malgré toutes nos limites : oui, la vie vaut la peine d’être vécue et le Christ lui donne tout son sens parce qu’il aime les hommes, il aime tous les hommes. En rendant grâce pour ce que vous êtes et ce que vous faites dans une immense variété de ministères, je voudrais vous dire : rien ne remplacera votre ministère, vous êtes les témoins vivants de la puissance de Dieu à l’oeuvre dans la faiblesse des hommes ; consacrés pour le salut du monde, vous êtes, malgré vos faiblesses, le sel de la terre et la lumière du monde. Aussi, ne nous lassons pas de puiser à la source de la Miséricorde, laissons le Christ examiner et guérir les plaies de notre péché et soyons les témoins de ce miracle toujours nouveau de notre humanité rachetée.
Face à l’activisme et au sécularisme ambiant, puissiez-vous réaffirmer l’importance de la prière, la priorité de la prière par rapport à l’action car la profondeur de notre agir dépendra de la puissance de notre prière. Notre ministère doit se nourrir à la source de la prière. Prenons du temps pour la prière, la prière simple et continue qui s’apprend dans l’oraison silencieuse,
la prière du bréviaire qui accompagne chacune de nos journées, la prière liturgique qui est celle qui rassemble le peuple qui nous est confié, l’humble prière de demande qui présente au Seigneur les besoins de nos frères les hommes. Cultivons cette dimension essentielle de la prière qu’est la mendicité,
cette conscience aimante de tout recevoir du Père à chaque instant.
N’ayons pas peur de rester les mains vides, il nous sera donné d’instant en instant toutes les grâces nécessaires et pour nous et pour le peuple qui nous est confié.
L’unique mesure adaptée à notre vocation est la radicalité.
Ce dévouement total, dans la conscience de notre infidélité et de notre pauvreté, s’enracine dans une humble prière que le Seigneur exaucera ensuite jour après jour. Le don même du célibat est à accueillir et à vivre dans cette dimension de radicalité et de pleine configuration au Christ. Même la quantité de travail extraordinairement grande imposée par les conditions
actuelles du ministère doit nous pousser à témoigner avec une plus grande conviction et efficacité de notre appartenance exclusive au Seigneur.
Prêtres, nous avons à être fidèles à la célébration quotidienne de l’eucharistie, et les diacres également autant que cela leur est possible ; nous le faisons non seulement pour remplir un engagement pastoral au service de la communauté qui nous est confiée, mais également pour répondre à un besoin personnel vital que nous ressentons comme de l’air ou de la lumière pour notre vie, comme l’unique raison appropriée à une existence accomplie de prêtre et de diacre. L’eucharistie est à la source et au sommet de notre vie de ministres ordonnés.
La dimension missionnaire est également le coeur de notre vie de prêtre ou de diacre, l’urgence de la mission nous habite, elle se nourrit de notre prière où notre être en communion avec Jésus nous implique dans son être pour tous et devient pour nous une manière d’être. Cet être pour tous se réalisera dans les tria munera auxquelles nous participons au titre même de notre ordination de diacre ou de prêtre. Nous y vivons l’expression la plus véritable de notre être au Christ, ils sont le lieu de notre relation avec le Christ. Le peuple qui nous est confié selon le degré de notre participation au sacrement de l’ordre, nous avons à l’éduquer, le sanctifier et le conduire dans l’ordre
du service ou dans celui du sacerdoce. Il ne s’agit pas d’une réalité qui nous distrait du Christ, mais au contraire il s’agit du lieu où nous le contemplons et nous unissons à lui. Le peuple qui nous est confié est le lieu incontournable de notre sainteté.
Je pense avec tendresse et reconnaissance à l’immense don que représentent le sacerdoce et le diaconat pour notre Eglise et pour le monde. Comment ne pas évoquer la personne du curé d’Ars. Il était très humble, mais il avait conscience comme prêtre, d’être un don immense pour son peuple. Il se savait l’économe du bon Dieu, l’administrateur de ses biens. En le
nommant à Ars, son évêque lui avait dit : « Il n’y a pas beaucoup d’amour de Dieu dans cette paroisse, vous l’y mettrez ». Puissions-nous, tout au long de cette année, être pleinement conscients que nous devons aller à la rencontre des hommes qui nous sont confiés pour incarner auprès d’eux la présence du Christ et leur témoigner de sa tendresse salvifique.
A l’image du saint curé, puissions-nous habiter nos Eglises, en faire notre demeure, nous avons à enseigner d’abord par le témoignage de notre vie ; l’éducation des fidèles à la prière, à la messe, à la présence eucharistique et à la communion se fait par l’exemple de notre propre vie. Puissions-nous également habiter activement tout le territoire de nos paroisses ou du ministère qui nous est confié. Puissions-nous rendre visite de manière systématique aux familles, aux malades et aux personnes âgées, organiser des missions, réanimer nos fêtes patronales, développer les oeuvres charitables et missionnaires, nous intéresser à l’éducation des enfants et des
jeunes, créer des confréries et inviter les laïcs à collaborer avec nous. Puissions-nous promouvoir la dignité des laïcs et la part propre qu’ils prennent dans la mission de l’Eglise, non seulement dans leur participation à des services d’Eglise, mais surtout par le rayonnement de la présence du Christ par leur vie au coeur du monde.
Puissions-nous également ne jamais nous résigner à accepter la désaffection des fidèles pour le sacrement de la miséricorde, mais au contraire tout mettre en oeuvre pour faire redécouvrir aux baptisés le sens et la beauté de la pénitence sacramentelle, leur faire percevoir l’amour miséricordieux du
Seigneur. Puissions-nous nous laisser dévorer par la passion apostolique pour le salut des âmes. Ne nous habituons jamais à l’état de péché dans lequel se trouvent tant de nos brebis sinon nos âmes risquent de s’engourdir et d’accepter la médiocrité comme un état normal.
Dans le monde qui est le nôtre, nous devons tous au contraire nous distinguer dans notre vie et dans notre action par la force de notre témoignage évangélique. Pour éviter que ne soit compromise l’efficacité de notre ministère, interrogeons-nous sans cesse pour nous demander : "Sommes-nous vraiment imprégnés de la Parole de Dieu ? Est-elle vraiment la
nourriture qui nous fait vivre plus encore que le pain et les choses de ce monde ? La connaissons-nous vraiment ? L’aimons-nous ? Intérieurement, nous préoccupons-nous de cette Parole au point qu’elle façonne réellement notre vie et informe notre pensée ?"
N’oublions jamais que si la pratique des conseils évangéliques n’est pas imposée au prêtre ou au diacre en vertu de son état, elle s’offre néanmoins à eux comme à tous les disciples du Seigneur, comme la voie royale de la sanctification chrétienne. La pauvreté, la chasteté, l’obéissance seront pour nous à l’image du Christ qui s’est fait pauvre pour nous enrichir, chaste car il
était l’époux divin qui venait célébrer ses noces et obéissant car il était entré dans le monde pour faire la volonté du Père.
Comme le Christ, notre unique désir comme diacres et prêtres doit être de se faire serviteur à l’image du Christ Serviteur. Dans ce contexte d’une vie nourrie par la pratique des conseils évangéliques, nous avons à répondre sans peur à l’invitation de Benoît XVI « à accueillir le nouveau printemps que l’Esprit suscite de nos jours dans l’Eglise, en particulier grâce aux Mouvements Ecclésiaux et aux Nouvelles Communautés ».
Cela rejoint ce que le Concile nous demandait déjà : « Les prêtres chercheront à déceler, avec le sens de la foi, les charismes multiformes des laïcs, qu’ils soient humbles ou éminents, les reconnaîtront avec joie et les développeront avec un zèle empressé ». De la communion entre ministres ordonnés et charisme naîtra un engagement renouvelé de l’Eglise au
service de l’Evangile.
Enfin, comme nous le rappelle également avec force le Saint-Père à la suite de « Pastores dabo vobis » : "Le ministère ordonné a une forme communautaire radicale et ne peut être accompli que dans la communion des prêtres avec leur évêque. Il faut que cette communion des prêtres entre eux
et avec leur évêque, enracinée dans le sacrement de l’Ordre et manifestée par la concélébration eucharistique, se traduise dans les diverses formes concrètes d’une fraternité effective et affective". Puisse cette année 2010 nous permettre de retrouver cette fraternité affective et effective en la cherchant d’abord et avant tout à sa source, dans le sacrement de l’eucharistie dont nous sommes les ministres. Par l’eucharistie nous participons à l’unique sacrifice rédempteur et il nous est donné de nous tenir ensemble au pied de la Croix pour laisser les torrents de la miséricorde divine nous redonner cette communion qui ne pourra être qu’un don de Dieu humblement reçu dans la communion à l’unique corps du Christ qui nous
emporte dans une autre communion celle du Corps que nous formons en communiant tous à l’unique corps du Christ.
En ces premiers jours de l’année, nous pouvons nous tourner vers la Vierge Marie pour lui demander de pouvoir tous mettre nos pieds dans ceux du disciple bien-aimé pour entendre Jésus nous dire : « Voilà ta Mère »et dire à sa Mère : « Voilà ton Fils ». Alors comme le disciple bien-aimé, nous pourrons
prendre Marie dans l’intimité de notre vie et de notre être.
Je voudrais saluer les séminaristes qui sont ici ce matin, puissent-ils durant cette année profiter des études pour se laisser toujours davantage configurer au Christ, et cheminer ainsi dans leur disponibilité pour le service de l’Eglise vers le ministère ordonné si telle est la volonté du Seigneur que l’Eglise a pour mission de vérifier. Le temps du séminaire est également
pour eux un temps de découverte de notre Eglise diocésaine, il sera important de développer cette dimension de découverte de toutes les richesses de notre diocèse.
Enfin, je voudrais saluer les épouses des diacres qui sont présentes parmi nous ce matin, je les remercie de tout ce qu’elles sont et font auprès de leur mari pour l’aider à remplir son ministère diaconal au coeur de notre Eglise diocésaine. Je leur offre tous mes voeux pour elles-mêmes et pour toute leur famille.
Et je vous offre, à tous, tous mes voeux, dans la lumière de Noël.
Avignon, le 3 janvier 2010